Vous trouverez ci-dessous lees et critiques de presse, avis du public, tous présentés dans l'ordre chronologique.

A - article de presse

C - critique de presse/pros

P - avis du public

POUR LA SERIE DE REPRESENTATIONS DU 30 MARS AU 30 AVRIL 2008

C - Hervé BERNARD OMNES - m.e.s, auteur et traducteur - le 31/03/2008
" BRAVO ! LE SPECTACLE S'EST ENRICHI. IL DEPLIE SES AILES, PREND DE L'AMPLEUR. L'INTERPRETATION EST PLUS RETENUE, C'EST PLUS PUDIQUE, PLUS INTELLIGENT. TENEZ VOUS A CETTE BELLE RIGUEUR ! ENCORE BRAVO ! "

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sinon la voici retrinscrite ci-dessous :

Samuel Ganes
[Entre vos Murs], de, et bientôt avec, Samuel Ganes

Samuel Ganes est l'auteur et le metteur en scène de la pièce [Entre vos Murs] qui se joue au Théâtre Côté Cour à Paris. Comédien, journaliste, Samuel Ganes a déjà mis sa curiosité et son talent au service de beaucoup de projets que ce soit au théâtre ou pour la TV. Il doit rejoindre les 5 comédiens de [Entre vos Murs] dont la version finale compte 7 rôles. Cinq destins  confrontés à la guerre, cinq personnes déportées: la pièce ne se veut pas seulement historique mais aussi critique de la société moderne.

Comment êtes-vous venu à ce sujet et comment s'est faite l'écriture de la pièce ?
Je voulais écrire une pièce sur les minorités au départ. Plutôt que de partir sur une situation empruntée à notre époque moderne, j'ai préféré chercher une situation ancrée dans une époque historique forte, car cela fédère, l'inconscience collective se nourrit de notre passé. Après un grand travail de recherches, les camps de concentratrion de la Seconde Guerre Mondiale se sont vite imposés. Je me suis très vite rendu compte que cette période de l'Histoire, à la fois lointaine et encore très proche, 70 ans, était une "période miroir" du monde actuel, un reflet à l'envers, à l'inverse, où on a juste changé les noms, brouillé les pistes, mais où les minorités et les idéologies totalitaires sont toujours là. Pour reprendre d'ailleurs une phrase de Boualem Sansal, auteur algérien, "la fin de cette Histoire n'a pas encore eu lieu".
J'ai voulu revisiter cette période de l'Histoire par l'anecdote, par le petit détail oublié ou méconnu. On sait tous différentes choses sur cette période de l'Histoire, mais on en ignore aussi beaucoup. C'est aussi pour ça que j'ai voulu écrire cette pièce, pour dénoncer non pas une vérité mais LA vérité. On est dans une concurrence des mémoires. Il faut tenter de rester neutre. On se doit de parler de génocide par les nazis et non d'Holocauste, qui est un terme de la Bible qui signifie "sacrifice à dieu" ou même de Shoah, qui est un mot hébreu qui signifie "anéantissement" ou "catastrophe". Les nazis ont déporté et tué des Juifs oui, mais aussi des Russes, communistes, homosexuels, Tziganes, Noirs, témoins de Jéhovah, handicapés etc Cette démarche de Sarkozy, par exemple, le démontre : pourquoi faire apprendre à un enfant de CM2 le nom d'un enfant déporté JUIF ? Pourquoi pas celui d'un enfant déporté tzigane ou un fils de communiste déporté... ? La mort d'un homme vaut-elle mieux que celle d'un autre parce qu'il est juif ? C'est stupide, on doit absolument combattre ça. On doit se battre pour la reconnaissance de la mémoire pour TOUS.
Il faut savoir que la version du texte jouée actuellement n'est pas la version intégrale. Il y a quelques textes en plus et surtout deux autres personnages, un déporté noir et un SS Handschar, les SS musulmans - quand j'en parle, les gens sont surpris mais oui ça a vraiment existé ! Pour une reprise, ces deux personnages s'ajouteront au cast du moment. J'ai préféré commencer avec cinq personnages pour des raisons financières et aussi car je m'attribuais le personnage du SS et parce que je voulais pour le début rester hors scène afin de me donner entièrement à mon rôle de metteur en scène/producteur.

Aviez-vous une idée de cette mise en scène très tôt, au moment de l'écriture déjà, ou peut-être même avant ?
Depuis que je suis gamin, je vis beaucoup dans l'imaginaire alors il est presque évident pour moi d'imager tout ce que j'ai en tête. Je savais déjà ce que je voulais oui, bien avant l'écriture. Je voulais quelque chose sur l'enfermement, d'où le fait que le choix du titre a précédé l'écriture du texte. Le décor mobile, les environnements sonores ou des effets, comme le train, ... j'avais déjà plein d'idées avant d'écrire. Je savais qui je voulais, d'ailleurs les rôles ont été écrits sur mesure, si on peut dire. On construit souvent comme ça d'ailleurs les rôles ont été écrits sur mesure, si on peut dire. On construit souvent comme ça d'ailleurs, on a des idées isolées et on construit autour avec des situations, du texte, ...  

L'Enjeu de mémoire, les dangers de l'oubli ; Sarah parle du cliché des bons et des méchants qui peut occulter le fait qu'il s'agit avant tout d'êtres humains et qu'en cela ce qui est arrivé peut recommencer. Ces parties du texte étaient-elles dans les témoignages recueillis ?
Non. Des témoignages, je n'ai gardé que les situations, le contenu instructif pourrait-on dire. Tout le reste, je l'ai écrit - je suis auteur et non adaptateur sur cette pièce. Certaines personnes croient que les personnages ont existé, alors que pas du tout. J'ai repris des noms célèbres, comme des hommages, et créé ces personnages, leur inventant leurs origines, leurs parcours, leur naissance et leur mort ... Ensuite c'est un gros travail de recherche sur chaque camp qui m'a servi à m'appuyer sur des faits et personnes réelles : Adolf Hitler, Ludwig Wittgenstein, Anna Franck, Germaine Tillion, Violette Lecoq, Ilse Koch, Irma Greese, Georg Elser, Josef Mengele, les chambres à gaz, les différentes libérations, ... Et d'autres sont à venir avec ces deux derniers personnages.

On attend Penis Desiderantis Bis. Quels sont vos projets ?
J'en ai pas mal. Mais je n'aime pas parler de ça. On étudie les propositions de reprise pour la saison prochaine de la pièce. Effectivement, j'ai écrit la suite de Penis Desiderantis, qui s'intitule Penis Desiderantis Bis, où je reprends ce personnage dans une version tout à fait différente de la première - on passe de la confidence drôle et touchante à un cours d'éducation (homo)sexuelle. Mais je ne sais pas encore quand je vais la jouer. J'ai d'autres pièces sous le coude que j'ai écrites et qui devraient se monter pour la saison prochaine, j'ai un film au printemps, ... Je continue mon chemin en tant qu'auteur et que comédien.

Que vous manque-t-il aujourd'hui ?
Il nous manque toujours quelque chose si on cherche bien mais je préfère me concentrer sur ce que j'ai plutôt que sur ce qui me manque. J'ai un toit, un chat, beaucoup d'amitié et d'amour, la santé, des projets artistiques, une pièce actuellement qui marche bien avec une équipe que j'aime, ... Pourquoi je perdrais mon temps à me lamenter sur ce qui me manque ? Non, j'avance, pour justement obtenir ce qui est à ma portée.

A - MARCEL Magazine - article par Bruno Delangre - mensuel du 02/2008
" Cinq destins, cinq camps de concentration, cinq déportés mis au ban de la société car considérés comme différents ( juif, homo, tzigane, coco, lesbienne). Entre Vos Murs, c'est pas du joyeux mais du mémorable, écrit et mis en scène par Samuel Ganes, qui en plus d'être beau fait montre d'une finesse et d'une intelligence rare. On recommande forcément ! Au Théâtre Côté Cour ... "

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C - Caroline Fabre - journaliste Visioscène / Tatouvu / ... - le 31/01/2008
" UN SPECTACLE NECESSAIRE - On oublie trop souvent que le peuple juif n’a pas été le seul à essuyer les feux de la haine des nazis. Samuel Ganes nous parle de tous les autres (ou presque). Pour écrire ce spectacle, il a fait un énorme travail de recherche et ses textes sont issus de faits et de témoignages réels.
Sur scène, un tzigane hongrois, un homosexuel suisse, une lesbienne allemande, un communiste français et une juive italienne. Chacun a été déporté dans un camp différent. S’ils sont fictifs, ils incarnent chacun une population persécutée par les nazis, partout en Europe. Ils racontent pourquoi et comment ils ont été arrêtés, leur quotidien depuis ce jour-là et où et comment ils sont morts. Nous vibrons au rythme de leurs souffrances et de ceux qu’ils côtoient comme de leurs espoirs, de leurs colères et aussi de leurs histories d’amour ou d’amitié. On croise Anne Franck, le chêne de Goethe et des tortionnaires, tristement célèbres ou méconnus. On s’indigne, on compatit devant ces êtres humains devenus numéros puis animaux. On apprend des choses aussi. Et on se dit surtout plus jamais ça mais on le sait, l’histoire se répète. Aussi faut-il considérer également ce spectacle comme un acte de résistance à la passivité internationale devant Guantanamo par exemple. Ce concentré de souffrances, de peurs et d’indignations est, soyons clair, très lourd à digérer, on n’en sort pas indemne. D’autant que le texte, la mise en scène et le jeu des comédiens, tous superbes, évoluent à l’unisson dans un même souci de dignité remarquable. Point de pathos ici, mais une vérité qu’il faut absolument entendre. Alors, à vos réservations ! "

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P - Josef Morana du Théâtre L'Espace Marais - le 30/01/2008
" Interpelé par l’affiche du spectacle, par le besoin de comprendre, de répondre aux questions existentielles que l’ont se pose : Celle de l’exclusion pour moi. Oui… c’est bien l’exclusion : le mot porteur, déclencheur… exclusion du monde des autres… exclusion de la mémoire si l’on ni prend pas garde… J’y suis allé. Que dire du spectacle, pour vous donner envie de quitter votre ordi’… votre my space… pour vous inviter à vous déplacer pour le voir… difficile… Je sais… Surtout si l’on ne veut rien dévoiler pour ne pas faner la fleur avant de l’offrir. Je dirais simplement : Un de ces texte-mémoire comme on les aime… Une mise-en-scène, sobre, efficace, inventive comme on les aime… des comédiens habités par leur rôle comme on les aime… Un spectacle tout simplement comme je les aime… Qui nous renvoie à nous-mêmes… Pourquoi cette partie de l’histoire m’a-t-elle toujours hantée… fascinée…bouleversée ? Pourquoi ? Des films comme « La liste de Schindler », « Le choix de Sophie », « Le pianiste » ne m’ont jamais laissé indifférent. Est-ce le fantôme où le miroir de la mort ? Est-ce par un besoin morbide, l’attraction de la peur ? Est-ce à cause d’une sensibilité trop exacerbée ? De la culpabilité ? Arriverais-je un jour à répondre à la question ? Six millions de personnes exterminées de 39 à 44 ! Pourquoi ? Comment a-t-on pu laisser faire ? Bien que je n’ai aucune origine tzigane, juive… que je ne suis ni communiste, ni homosexuel, je me sens pourtant… concerné par leur histoire… notre histoire. Serait-ce par mémoire, par conscience, par démarche intellectuelle ? Non ! Alors ? Serait-ce tout simplement par ce qu’il y a en nous,"

Cette Pièce admirablement écrite et mise en scène par Samuel Ganes reflète cette page d'histoire du nazisme conduite par un fou.
Les jeunes acteurs criants de vérité sont habités par la souffrance et l'incompréhension.
Ne jamais oublier, mais ne disent-ils pas l'herbe a repoussé recouvrant toutes ces horreurs.
A ceux qui arrivent sur cette Terre. Crions plus jamais ça.
Soyons vigilants, n'ajoutent-ils pas l'Homme n'est pas totalement bon ou totalement mauvais.

Merci et Bravo.

A - Didier ROTH-BETTONI pour le magazine TATOUVU
(à paraître le 15/01/2008)

Cinq déportés envoyés dans les camps parce qu'ils sont juif, résistant, homo, tsigane ou lesbienne : auteur et metteur en scène, Samuel Ganes a réuni pour "Entre vos murs" cinq acteurs très engagés.

Aïda Daghari
"Il y a une responsabilité forte à jouer Sarah, car elle représente des milliers et des milliers d'autres personnes. J'espère être à la hauteur. Jusqu'à présent, à la télévision, au cinéma ou au théâtre, j'ai surtout fait des comédies, les gens me voient comme ça, déconneuse, rieuse, extravertie. Je suis contente qu'un metteur en scène me donne la possibilité de dire : 'Il y a autre chose derrière', 'Je suis ça aussi'. Ça m'a redonné de l'espoir de ne pas être cantonnée. Sarah me touche intimement, c'est un personnage digne, fort et doux en même temps. Elle se voit diminuée et perdre sa féminité, mais elle ne se résigne pas. Depuis que je répète, je me sens juive italienne, j'ai toujours mon texte sur moi. Le trac que je ressens me nourrit."

Yoann Moess
"Pour m'approcher de Bibacht, je lui invente une vie avant ce moment où il est envoyé dans un camp. Je m'imprègne de la culture gitane, de la musique, des films de Kusturica. Je suis très content de jouer ce rôle car c'est une minorité à laquelle personne ne s'intéresse. Et puis mon arrière-grand-mère était tsigane... C'est un être digne, qui refuse la victimisation. Comme Samuel a écrit pour nous, ce personnage me ressemble : il est chétif, fragile en apparence, mais avec une grande force intérieure. Je me sens à l'aise avec les êtres lourds, marqués. J'ai envie de faire des comédies, mais la plupart des rôles que j'ai joués au théâtre ou à la télévision sont dans la douleur. Et le court-métrage que j'ai réalisé était consacré à un SDF. Pour moi, une pièce ou un film qui t'a touché, c'est ce qui te reste en mémoire."

Nathalie Roudet
"Anna, c'est le personnage le moins évident, car la déportation des lesbiennes est la plus méconnue, la plus ambiguë. On ne sait pas combien ont été envoyées dans les camps ou les bordels pour nazis... Je m'interroge. D'ailleurs, ce n'est pas forcément en tant que lesbienne qu'Anna a des choses à raconter, mais plutôt en tant que femme passant par des camps pour femmes. Ce que Samuel a pris de moi pour Anna, je crois que c'est son côté revendicateur, cette façon de faire des choix et de les assumer, une colère aussi
derrière la douceur et la souffrance. Quand je ne joue pas, je chante. Et le reste du temps, je suis aide-soignante. Je vis des choses très proches de la maladie et de la mort, donc le thème de la pièce me parle fortement. 'Entre vos murs' me touche parce que, pour moi qui adore être en contact avec nos aînés, avoir la possibilité de dire ce qu'ils ont vécu et qu'ils ne peuvent pas raconter, c'est une sorte de devoir."

Vincent La Torre
"Je ne sais pas si j'aurais agi comme Pierre mais je le comprends. Avoir la haine, ça me parle : j'ai tendance à aborder la vie énervé... Lui, il a envie de briser la nuque à ces officiers nazis, mais il est patient : il serre les dents jusqu'au moment où ça éclate. Il a des idées et il les défend, il est courageux, mais ce n'est pas un héros, plutôt quelqu'un qui fonctionne à l'instinct. J'aime que ce soit une pièce avec un message, mes choix vont vers ça. Dans 'Votre prochain mensonge sera le dernier', il y a quelques mois, c'était le sida : c'est là que Samuel m'a repéré, j'avais un côté animal, prédateur, qui lui a plu. Pourtant, mon rêve de toujours c'est plutôt de faire du cinéma. Je suis un enfant du ciné même si j'ai fait mes premières armes à la télé à 13 ans, en participant à une sitcom, 'Les filles d'à côté'. Je suis parti aux États-Unis parce que je m'ennuyais et, au retour, j'ai eu envie d'autre chose et j'ai commencé les cours de théâtre. Depuis, j'expérimente plein de registres en attendant que le ciné me fasse signe."

Romain Poli
"Ce sont tous des humains qui ont essayé de vivre malgré l'horreur. Le texte m'a bouleversé. Il est sobre, sans pathos, digne. Et puis en tant qu'homo, ça m'a encore plus parlé de jouer Frantz, car il y a encore un tabou autour des Triangles roses. À l'école, par exemple, on n'en parle pas. Je me sens concerné par cela, c'est important d'informer. Pour jouer ce type de pièce, il faut se détacher, devenir insensible à ce qu'elle raconte, à ces images que montrent les documentaires. Quand ça ne fait plus rien, c'est qu'on a passé un cap : on ne peut pas se permettre, sur scène, de craquer à chaque fois que l'on évoque ces horreurs. Il faut se blinder pour cette pièce. Surtout moi qui ai une sensibilité à fleur de peau. C'est pour cela, je crois, que je me sens plus à l'aise dans les drames que dans les comédies. J'ai cette fêlure qui permet de nourrir ce genre de personnages."

Samuel Ganes
"La question que je me suis posée avant de me lancer dans l'écriture, c'est celle de la mémoire et de l'identité. Ce qui a déclenché ma démarche, c'est de voir à quel point la Shoah est associée à l'extermination des Juifs. Et il y a aujourd'hui une sorte de rivalité des mémoires et des douleurs. Moi, j'ai voulu faire une pièce sur les camps qui parle de toutes les communautés qui ont été déportées (homosexuels, juifs, tsiganes, etc.), qui les mette sur un pied d'égalité. Depuis, j'ai appris qu'il y avait même eu des Blacks déportés : peut-être en ajouterais-je un dans une prochaine version... Ce devoir de mémoire a toujours été très présent en moi : au Conservatoire, pour ma scène libre, j'ai présenté un extrait de 'Bent', la pièce de Martin Sherman sur la déportation des homosexuels. Chacun peut se retrouver dans ces personnages, il y a une sorte d'universalité dans ces monologues qui se croisent peu (chacun est dans un camp différent), et qui sont basés sur des témoignages que je me suis réappropriés, des choses que je voulais dire pour que cela ait une résonance contemporaine, et que j'ai adaptées pour les cinq acteurs que j'avais déjà en tête en écrivant."

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A - Hugues DEMEUSY pour le site LALUCARNE.ORG
Interview de Samuel Ganes du 23/12/2007

Raconter l’horreur de la déportation dans les camps, à travers des témoignages multiples, qui mettent en scène toutes les différences, religieuses, sexuelles, politiques... et parfois faire rire, sourire... toujours émouvoir., c’est le pari de Samuel Ganes qui créera Entre Vos Murs, à partir du 7 janvier 2008 sur la scène du Théâtre Côté Cour à Paris. Rencontre avec un homme de théatre passionné.

Oeil de La Lucarne:

Peux-tu nous raconter la genèse de ce texte ? Quand t’es venu l’idée de monter ce projet ?
J’ai depuis longtemps voulu faire une pièce sur les camps de concentration de la Seconde Guerre Mondiale. J’ai toujours eu l’impression que tout n’a pas été dit – et malheureusement tout ne sera jamais dit. Les millions de destins dans la tourmente de cette guerre ne pourront jamais être racontés de façon exhaustive dans une seule œuvre. Je crois, mais ce n’est que mon avis, que notre système éducatif en France n’est pas bon sur ce point. Avec le recul, je me rends compte combien l’Histoire m’a été censurée à l’école ! J’en suis révolté ! J’ai l’impression qu’on m’a volé quelque chose, qu’on m’a menti, manipulé ! J’ai donc voulu raconter les camps dans l’intime, dans l’anecdote, dans le ressenti, plutôt que dans des faits historiques froids et qui suffisent à la norme bien pensante de notre société. J’ai passé des semaines à faire mon travail de recherches – tel un enquêteur mais aussi en faisant appel à mon ressenti de comédien qui, de façon schizophrène, pouvait s’identifier très vite à la situation et aux témoignages - puis un soir j’ai créé mes personnages, m’inspirant de tout ce que j’ai vu, pour ne pas dire vécu.

Comment as-tu découvert les témoignages et différents documents qui servent de socle à la pièce ?
Lire des livres, passer des nuits blanches sur des sites Internet, visionner plusieurs fois des heures de documentaires, … Pour celui qui veut savoir, aujourd’hui tout est à notre portée – en tout cas dans notre pays.

Que traduit ce désir de mettre sur un pied d’égalité les différentes causes de la déportation des personnages (religion, orientation sexuelle, politique) ?
Nous sommes tous égaux face à l’injustice, à la souffrance, à la mort … Ces hommes, ces femmes et ces enfants y ont été confrontés à cette époque. Nous aurions tort de croire que notre monde moderne nous a libéré de cela. Aujourd’hui il y a encore des groupes néo-nazis, des actes et des propos antisémites, des agressions et des meurtres à caractère homophobe, raciste. Il y a des individus isolés de notre société car trop insérés dans une communauté sectaire, qui souffrent. Nous souffrons tous non pas d’être différents, mais de ne pas avoir su accorder nos différences. Je ne voulais pas d’un texte qui ne parle que des Juifs ou que des homosexuels, non ! Je veux un texte qui parle de tous, un texte universel où chacun peut y reconnaître une part à soi, une part de soi.

Comment as-tu trouvé des financements ? As-tu rencontré de nombreuses difficultés ?
Quels financements ? (rire) Nous n’avons aucune subvention, c’est une auto-production. Il y a à ça plusieurs raisons. Rares sont les gens aujourd’hui qui veulent encore investir de l’argent dans une pièce de théâtre. Je ne voulais pas dépendre non plus d’un producteur qui de ce fait pouvait se permettre de s’immiscer dans les choix artistiques au départ. Si demain un producteur veut investir dans cette pièce pour une programmation future ok ! Tu sais, l’indépendance intellectuelle coûte cher de nos jours mais elle me permet de croire que je suis vivant en tant qu’artiste. Je suis tellement écoeuré de voir du politiquement correct bien commercial partout ! On est artiste pour dénoncer, pour tenter de faire bouger les choses, pousser les gens à penser, à s’interroger et non pour juste pour les divertir ou leur fournir la pièce de théâtre, le film ou la série tv du soir où tout le monde joue mal des dialogues mal écrits pour une histoire sans intérêt.

Le casting est éclectique, mais les comédiens sont tous beaux et très jeunes. Ne donnes-tu pas une vision « idéalisée » d’un événement barbare ?
Eclectique et électrique ! Une vision idéalisée : oh, pas du tout ! Attends de voir la pièce et on reparlera de l’idéalisation du propos ! Ils ne sont pas tous vraiment jeunes ! Ils sont dans la vingtaine, trentaine et quarantaine. Ils ont l’âge des personnages en fait ! Aussi horrible que ce soit à dire, j’aurais pris un vieillard de 60 ans, il n’aurait pas passer le second acte – il serait mort ! De plus il y a des passages assez physiques, chorégraphiés alors … Et puis peut-être qu’inconsciemment le sujet étant très dur et horrible j’ai préféré le traiter avec des comédiens et comédiennes de toute beauté – c’est vrai qu’ils sont tous les cinq très beaux – que dis-je, magnifiques !!!

Comment travailles-tu avec les comédiens ? Comment se déroulent les répétitions ?
C’est un travail orgasmique, presque orgiaque ! (rire) Non réellement, je les ai obligés à regarder des documentaires bien précis. Tu sais, ce qui revient beaucoup parmi les témoignages des survivants, c’est que cette guerre les a endurcis et le degré d’atrocité a été tel, qu’ils ont presque perdu une part de leur sensibilité. Ça, je voulais que mes comédiens le comprennent, le ressentent, et, pour ça, il faut replonger dans les documents d’archives. On ne peut pas parler d’une réalité si on ne tente pas de s’y confronter. Ensuite j’ai bossé en individuel avec chacun, puis en groupe. C’est un groupe très soudé, je suis très fier d’eux.

Peux-tu nous parler de la mise en scène ?
Non. Je dirai juste que j’aime aussi être spectateur de la magie sans en connaître forcément les rouages. J’aime la part de mystère, être surpris aussi. Donc non.

Fais-tu oeuvre de mémoire avec ce projet et est-ce important pour toi de le faire aujourd’hui ?
Bien sûr ! Le devoir de mémoire est aussi important que la modernité du propos qui épouse notre présent et nous interroge sur notre avenir ! Les enfants des camps, ceux qui avaient à peu près 10-15 ans, ont aujourd’hui 70-75 ans. Dans quelques années il ne restera plus que des archives, des témoignages et la mort aura emporté le peu de survivants. Si vous allez à Auschwitz, vous ne verrez plus le lieu comme il était avant. Désormais les arbres y fleurissent, l’herbe y pousse … L’Homme n’est pas armé contre le temps, nous ne pouvons rien figer, c’est pourquoi nous nous devons d’instaurer une mémoire collective. Mais il y aura toujours des gens qui ne se sentiront pas concernés, pourtant cette pièce parle avant tout de l’humain dans ce qu’il a de meilleur ou de pire et cela concerne tout être sur cette Terre.

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FRANCE SOIR
du Mardi 18 Décembre 2007 - n° 19673

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